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Réduction des phytosanitaires : comment valoriser les bons résultats des fermes Dephy

Depuis plus de dix ans, les fermes Dephy testent de nouveaux itinéraires techniques pour réduire les traitements phytosanitaires, avec des résultats encourageants. Mais comment changer d'échelle et diffuser au plus grand nombre ces bonnes pratiques ?

Réduction des phytosanitaires : comment valoriser les bons résultats des fermes Dephy
Actu-Environnement le Mensuel N°411
Cet article a été publié dans Actu-Environnement le Mensuel N°411
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Plus de dix ans après le lancement du réseau de fermes de démonstration Dephy, près de 3 000 exploitations agricoles se sont engagées volontairement à réduire l'usage de produits phytosanitaires. Regroupées en petits collectifs et accompagnées d'ingénieurs réseaux, ces fermes expérimentent des solutions et/ou itinéraires pour réduire le recours aux produits phytosanitaires. En parallèle, un réseau de fermes expérimentales, Dephy Expe, teste des solutions plus radicales, visant à n'utiliser les phytos qu'en ultime recours. Et les résultats sont plutôt concluants, comme le montrent les témoignages recueillis dans le cadre du colloque national Dephy, organisé le 2 février.

Le Gouvernement prévoit, dans le cadre du plan Ecophyto 2, d'embarquer 30 000 exploitations agricoles dans cette transition, en diffusant notamment les résultats obtenus par les fermes Dephy. Mais les barrières sont encore nombreuses, tant en amont qu'en aval.

Baisse des traitements sans impact économique

Les systèmes en grandes cultures / polyculture élevage représentent près de la moitié du réseau, avec 1 450 producteurs engagés à travers 128 collectifs. La gestion des adventices et la baisse d'usage des herbicides (notamment du glyphosate) font partie des enjeux principaux, mais pas que : l'arrêt des néonicotinoïdes concerne également ces agriculteurs. Les leviers explorés concernent donc le travail du sol, la reconception des systèmes de cultures, les rotations, les semis directs et les couverts végétaux.

En moyenne, les agriculteurs de cette filière engagés dans le réseau Dephy ont réussi à réduire leur indice de fréquence de traitement (IFT) de 18 %, sans impacter leurs productions. Les actions mises en place permettent même de réduire certaines charges (-4 % en moyenne).

À l'instar de Sylvain Chalivoy, céréalier dans le Cher : « J'ai réduit de deux tiers les frais de désherbage. J'ai en revanche un petit surcoût lié au binage supplémentaire », explique-t-il. Le tout, en réduisant de 40 % l'IFT hors herbicides et de 60 % l'IFT herbicides. Pour parvenir à ces résultats, l'agriculteur a mis en place des techniques de désherbage nouvelles, comme le désherbage mécanique localisé. Il a également profondément revu son système de culture, en allongeant les rotations de quatre à dix ans.

« La mise en place de pratiques plus économes en mécanisation, la réduction du labour, les assolements différents permettent de ne pas augmenter les coûts de la mécanisation et du désherbage. En parallèle, certaines charges opérationnelles baissent, avec un travail de fond sur les itinéraires techniques, des cultures pluriannuelles, la réduction des intrants, l'introduction des légumineuses...», explique Philippe Tresch, représentant de l'institut de l'élevage (Idele).

“ Il faut pouvoir différencier les agriculteurs qui ont de bonnes pratiques environnementales et sociales ” Xavier Reboud, Inrae

Mais alors, si ces systèmes sont gagnants sur tous les plans, pourquoi ne se diffusent-ils pas à grande échelle ? « Il faut arriver à convaincre, estime Xavier Reboud, expert de l'Inrae. Il y a des succès de diffusion, comme avec le colza associé [à des couverts comme les légumineuses]. Cette démarche a été largement adoptée au-delà du réseau Dephy ». Mais souvent encore, un changement profond de pratiques fait peur aux agriculteurs et peut entraîner des pertes les premières années. « Chaque nouvelle technique pour réduire les phytosanitaires doit faire l'objet d'un apprentissage. Il faut conjuguer plusieurs techniques pour remplacer les phytos : désherbage mécanique, changement des rotations, voire des systèmes de commercialisation... », analyse Irène Félix, de l'Institut du végétal Arvalis. Les agriculteurs doivent être accompagnés dans ces changements, avec un meilleur partage de la prise de risque notamment.

Valoriser les efforts sur le marché

Plusieurs leviers pourraient favoriser les transitions. « Une reconnaissance de ces pratiques par le marché est un moyen de rendre ces systèmes plus attractifs, analyse l'expert de l'Inrae. Beaucoup d'agriculteurs sont dans des coopératives et celui qui fait des efforts voit ses produits mélangés en silo avec d'autres plus conventionnels ». Mais petit à petit, les choses changent : « Certaines coopératives appliquent un différentiel de prix et, pour certaines filières, des cahiers des charges plus stricts sont mis en place » avec le soutien de collecteurs - transformateurs ou d'acteurs de la distribution.

C'est le cas du groupe Carrefour : « Il faut que le consommateur comprenne la différence de prix dans les rayons. Avec les produits Qualité Carrefour, nous sommes à mi-chemin entre le conventionnel et le bio, en valorisant ceux qui font des efforts. Pour chaque filière, on analyse les surcoûts engendrés pour les compenser, jusqu'à 15 % plus cher. Au-delà de ce seuil, le consommateur ne suit pas », explique Véronique Darrasse, responsable qualité fruits et légumes du groupe.

Si le marché ne permet pas de compenser toute la prise de risque, d'autres leviers peuvent être actionnés. « Il faut pouvoir différencier les agriculteurs qui ont de bonnes pratiques environnementales et sociales », souligne Xavier Reboud de l'Inrae. Le crédit d'impôt pour la Haute valeur environnementale (HVE) est un début de reconnaissance selon lui, mais il faut aller plus loin. La future politique agricole commune (PAC) devrait permettre de récompenser les agriculteurs les plus vertueux, à travers les éco-schèmes.

Enfin, certains changements de pratiques nécessitent de trouver de nouveaux débouchés, notamment pour les cultures intermédiaires ou les nouvelles cultures dans les rotations allongées. Si certaines, comme les cultures intermédiaires à vocation énergétique (Cive) sont rémunératrices, pour d'autres (certaines légumineuses par exemple), les filières aval doivent être mieux organisées.

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